Souvent, pour mieux avancer dans notre vie, nous avons besoin de regarder dans le rétroviseur les histoires de notre passé. Sans nous en rendre compte nous sommes, pour la plupart, enfermés dans des patterns et des croyances familiales qui ne nous appartiennent pas et qui nous font souffrir à l’âge adulte. Il s’avère alors essentiel de prendre conscience de ces évènements du passé pour briser les chaînes de certains liens et comportements toxiques et reprendre le pouvoir sur sa vie grâce à des choix conscients et éclairés.
C’est-ce que je tenterai de vous expliquer dans cet article en revenant aux origines de la Psychogénéalogie, les nuances à lui apporter, ma propre expérience et celle d’une de mes clientes qui témoigne d’un fait de société.
Quid de la Psychogénéalogie ?
La psychogénéalogie est une pratique développée dans les années 70 par Anne Ancelin Schützenberger (psychologue et universitaire française) selon laquelle les événements, les traumatismes, les secrets et les conflits vécus par les ascendants d’un individu conditionnent ses faiblesses constitutionnelles, ses troubles psychologiques, ses maladies, voire ses comportements étranges ou inexplicables.
Elle s’est fondée sur ses propres observations et aussi sur des concepts issus de la psychanalyse avec Freud, des travaux de Nathan Ackerman aux États-Unis dans les années 1940, de la psychologie, de la psychothérapie et de la systémique. Cette pratique clinique a été théorisée par d’autres psychanalystes, tels que Françoise Dolto, Iván Boszormenyi-Nagy qui a parlé des loyautés invisibles montrant qu’il y avait une comptabilité dans les familles et qu’on pouvait avoir « des dettes » vis-à-vis de nos parents ou de nos grands-parents. Elle puise ses sources dans l’œuvre de Nicolas Abraham et de Mária Török.
C’est une science qui s’est inspirée de nombreux chercheurs. On utilise souvent un arbre généalogique (génogramme) et un génosociogramme emprunté aux sociologues qui étudie les liens psycho-affectifs entre les membres de la famille (relation fusionnelle, proche, distante, conflictuelle) permettant de mieux comprendre visuellement le lien entre le nombre d’enfants, les grands-parents, les parents.
Cette photographie de famille permet de se poser ce type de questions : Est-ce qu’il y a eu des décès précoces ? Des fausses couches, des IVG ? Des problèmes physiques, psychiques répétées (alcoolisme, dépression, maladies …) ? Des violences physiques, sexuels (abus, viol, inceste)? Des secrets ? Des traumatismes particuliers ?

La Psychogénéalogie : une pseudoscience ?
Pour répondre à cette question que l’on peut souvent entendre, j’ai souhaité laisser la parole à une psychiatre et thérapeute familiale au centre Pluralis, Sylvie Angel, durant un entretien très interessant sur France Inter « la psychogénéalogie est-elle une pseudo-science ? » :
Et si vos angoisses, vos faiblesses, vos maladies n’étaient pas de votre fait mais de celui de vos ancêtres ? Tel est le postulat de la psychogénéalogie.
Est-ce que la psychogénéalogie est une pseudoscience ?
Sylvie Angel : « La psychogénéalogie, ça a d’abord été de comprendre qu’il y avait un lien entre les difficultés des enfants et la problématique familiale. Ce n’est pas une pseudoscience, c’est un concept qui est issu de recherches transgénérationnelles, qui ont démarré aux États-Unis au début du siècle dernier et qui ont été traduites sous le terme de psychogénéalogie pour montrer qu’on va travailler sur deux ou trois générations pour comprendre un peu mieux l’histoire familiale. »
La vie de mes ancêtres du XVe siècle peut-elle m’influencer ?
Sylvie Angel : « Pour moi, ce n’est pas sérieux parce qu’on n’a pas beaucoup d’éléments sur cette période-là et surtout, il faut toujours replacer une histoire dans un contexte. Par contre, quand on travaille sur ce qui s’est passé pour nos parents ou grands-parents, on va à la fois intégrer l’histoire très proche et comprendre un peu ce qui a pu se passer pour eux dans un contexte qui était peut-être plus difficile. Je pense par exemple à la dernière Guerre mondiale, ou des choses comme ça, qui peuvent en effet avoir complètement marqué une génération et évidemment déterminé beaucoup de choses pour la génération suivante. »
Que peuvent me transmettre mes grands-parents même si je les ai peu connus ?
Sylvie Angel : « Par exemple, si on prend la dernière Guerre mondiale qui correspond, à vos grands-parents, on voit très bien qu’il y a des traumatismes majeurs, que les gens ont pu vivre cachés, perdre beaucoup de membres de leur famille ce qui déclenchent des angoisses intérieures extrêmement fortes qui vont retentir sur votre regard vis-à-vis du monde. Par exemple, l’angoisse est une maladie transmissible. Ce que j’explique toujours à mes patients, c’est que la bonne nouvelle est qu’on en guérit. Donc, l’idée, c’est de mettre un sens sur ce qu’on ressent, de comprendre si ça a un lien avec notre histoire familiale ou pas.
Avec un lourd passé familial, je n’y peux rien si je vais mal ?
Sylvie Angel : « Il fut un temps où on disait tout se joue avant 6 ans et puis on est revenu là-dessus et de la même façon, le déterminisme familial, c’est un poids qui serait beaucoup plus important. Donc, évidemment, on ne va pas être déterminé parce qu’il y a beaucoup de facteurs qui vont nous influencer dans notre vie et heureusement, nous avons une grande liberté de faire nos propres choix. Par contre, clarifier ce qui a pu se passer dans notre famille nous aide à développer ces degrés de liberté. »
Pourquoi certains comparent la psychogénéalogie à une dérive sectaire ?
Sylvie Angel : « Probablement parce qu’il y a des gens qui ont utilisé l’arbre généalogique ou certains concepts pour en faire, je dirais force de loi ou aller chercher encore plus loin. Mais là encore, il faut se méfier de ceux qui s’autoproclament thérapeutes et qui n’ont pas le background suffisant pour l’être. C’est un métier difficile qui n’est pas complètement référencé. »

Ma relation à la Psychogénéalogie
J’ai été formée à cette pratique en 2021, au sein de l’Institut Cassiopée, cursus Psychogénéalogie. Très sincèrement ce fut une révélation pour moi. A cette époque je me sentais emprisonnée au sein de ma famille, mes relations étaient trop fusionnelles, je ne me sentais pas libre de mes choix d’adulte. Grâce à la psychogénéalogie j’ai pu mettre en lumière cette fusion dévorante, des secrets de famille ont été révélés avec des violences faites aux femmes qui se perpétuaient de génération en génération. A cette époque de ma vie, enfermée dans mes histoires de famille, cette pratique fut très aidante pour moi, pour couper des liens toxiques et me libérer de croyances familiales limitantes. Grâce à cette introspection profonde je suis devenue une femme libre et plus épanouie aujourd’hui, sur le chemin de la connaissance et de l’expérience.
Certains auront besoin de ce type de pratique pour observer, faire le point et avancer sereinement, d’autres n’en auront absolument pas l’envie ni le besoin, et c’est parfaitement ok ! Le tout étant de s’écouter réellement, de faire ce qui nous semble juste pour nous libérer de nos souffrances et mener la vie riche, pleine de sens et heureuse que nous souhaitons vivre.
L’exemple de Clémentine
Clémentine a pris rendez-vous avec moi pour une séance de psychogénéalogie afin de se libérer de violences familiales qui ne lui appartiennent pas. Elle-même ayant subi des agressions sexuelles, elle veut mettre du sens et couper avec des schémas toxiques de violence.
Grâce à l’analyse de son arbre généaologique et de son génosociogramme (analyse des liens psycho-affectifs entres les membres de la famille : relation fusionnelle, conflictuelle …) elle a pu prendre conscience des relations fusionnelles qu’elle entretenait avec sa mère et sa grand-mère. Elle vivait sous le poids de leurs souffrances. Avec l’aide de certains concepts de psychogénéalogie (le syndrome d’anniversaire, le code de lois de la famille), elle a pu observer que certains faits de violences se répétaient dans sa lignée maternelle – sa grand-mère a subi un mariage forcé, subissant le viol de son mari toute sa vie / sa mère a été violée par deux fois et a dû avorter suite à l’un des viols – et a pu ainsi faire le lien avec les violences qu’elle subissait aujourd’hui. Lorsqu’elle a analysé son code de lois familial (droits, devoirs et interdits au sein de la famille) elle s’est rendue compte que les hommes de sa famille exerçait une très forte autorité sur les femmes, allant parfois jusqu’aux violences psychologiques, physiques et sexuelles.
Tout son travail fut alors de mettre en lumière ses comportements personnels au regard des évènements et patterns familiaux. Elle s’était inconsciemment enfermée dans des schémas toxiques de soumission face aux hommes, subissant les mêmes types de violence que sa mère et sa grand-mère.
Grâce à ce nouveau discernement et un travail de fond en énergétique et sophrologie, elle avance aujourd’hui plus sereinement dans sa vie. Elle s’est rendue compte que les relations hommes/femmes pouvaient être saines, évoluées sur un même pied d’égalité et lui apporter joie et sérénité.

Allons plus loin : un exemple personnel qui témoigne d’un fait de société : les violences faites aux femmes
L’exemple personnel de Clémentine témoigne des violences faites aux femmes, depuis toujours : un fait qui est structurel, systémique, « une matrice anthropologique » selon l’expression de Françoise Héritier. La femme n’étant qu’un objet de désir soumise aux pulsions des hommes ; son corps ne lui appartient pas, il est à celui qui s’en empare.
Comme l’a montré l’historien Georges Vigarello dans « L’Histoire du viol », il a fallu attendre le dernier tiers du XXème s. pour que les agressions sexuelles soient criminalisées en France.
Encore aujourd’hui les victimes de viol sont stigmatisées, le taux de classement sans suite pour les affaires de violences sexuelles étant de 94% (étude de l’Institut des politiques publiques pour la période de 2012 à 2021). Partout dans le monde, on peut voir des femmes excisées par milliers (Afrique, Asie…), des avortements sélectifs de fœtus féminins (Inde, Pakistan, Bengladesh, Chine, Corée du Sud), des femmes violentées, tuées et violées (et autres punitions infâmes si elles n’obéissent pas à leurs pères, frères ou maris).
Le cas de Clémentine n’est pas isolé, les violences faites aux femmes sont de tout temps, universelles, un fait structurel, qu’il convient de dénoncer et de démanteler au sein même de nos institutions politiques et judiciaires. Portons haut et fort la voix d’un féminisme engagé, chaque jour à notre échelle, pour libérer toutes les femmes de ce monde des violences qu’elles subissent !
« La famille représente trop souvent la première des prisons. On y enseigne ce qui se fait, ce qui ne se fait pas, ce qui est « bien », ce qui est « mal », selon les dualités en honneur dans nos civilisations. On transmet le code de lois familial sans se préoccuper des racines profondes de l’enfant. On oublie trop souvent qu’un enfant comprend fort bien les choses et que nos structures sociales et morales ne sont pas nécessairement les siennes.
On le désinforme au lieu de l’informer. On transmet à l’enfant la mission de prolonger les coutumes, le nom, les opinions et les traditions du clan. On le compare aux personnes de son entourage à commencer par ses frères et sœurs s’il en a. Cette éducation par comparaison avec les autres représente le moyen idéal pour développer des sentiments d’infériorité et de culpabilité, d’angoisse et d’impuissance ; ou au contraire de volonté de puissance. Et gare à celui qui risque à sortir du rôle qu’on veut lui attribuer ! »
« Psychologie et liberté intérieure » de Pierre Daco
RESSOURCES :
*Pour trouver des informations sur vos ancêtres et commencer à constituer votre arbre généalogique :
- my heritage
- geneanet
- archives départementales avec le nom du département
- paroisses, églises
- archives militaires
*Bibliographie sur la psychogénéalogie :
- Aie mes aïeux de Anne Ancelin Schützenberger
- L’écorce et le noyau (fantôme des ancêtres) de Abraham et Torok
- La cause des enfants de Françoise Dolto
- L’ange et le fantôme de Didier Dumas
- Les fantômes familiaux de Bruno Clavier
*Podcast « Meta de Choc » : psychogénéalogie et constellations familiales, chroniques (et critiques) de la spiritualité contemporaine
Qu’avez-vous pensé de cet article ?
Prêt.e à voyager dans les profondeurs de votre arbre généalogique ? Dites le moi en me laissant un petit commentaire sur mes réseaux sociaux ! Et si cet article vous a aidé à mieux comprendre cette discipline et à avoir des clefs pour commencer à observer certains schémas familiaux partagez le à l’un.e de vos ami.e.s qui aurait besoin de la psychogénéalogie actuellement 😉
Vous pouvez retrouver mon article « Pourquoi faire une thérapie en 5 raisons » pour prendre enfin soin de vous comme il se doit, vous libérer de schémas toxiques et évoluer sereinement !
Merci beaucoup pour votre lecture et à très vite 🌿